ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL EN 2022 : quelle analyse vis-à-vis des attentes ?

ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL EN 2022 : quelle analyse vis-à-vis des attentes ?

ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL EN 2022 : quelle analyse vis-à-vis des attentes ?

Héritier d’une longue tradition de décentralisation, le Sénégal a toujours poursuivi cette politique après son accession à la souveraineté internationale. Il a ainsi adopté des schémas variés tenant compte de la géopolitique nationale du moment, mais aussi des aspirations des populations à une gestion inclusive de leur localité.

Moustapha DIOUF,
Juriste Foncier, Chercheur à l’UADB Moustaphadiouf001@gmail.com

INTRODUCTION GENERALE : Trajectoire de la décentralisation au Sénégal

1. DIANIOSTIC SITUATIONNEL DU DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL
1.a ECHEC SUR LES OBJECTIFS GLOBALS DE L’ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION:
1.b DYSFONCTIONNEMENTS PAR RAPPORT OBJECTIFS SPECIFIQUES DE L’ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION
2. DEFIS ET PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL
2.a RENFORCEMENT DES RECETTES FISCALITES LOCALES
2.b PERSPECTIVES DE VALORISATION DES RESOURCES FONCIERES
ET AUTRES RESSOURCES LOCALES
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INTRODUCTION GENERALE : Trajectoire de la décentralisation au Sénégal
La décentralisation peut être conçue comme un processus par lequel l’Etat transfert certaines compétences aux collectivités territoriales. Mais un transfert qui doit être parallèle à l’attribution de ressources, l’allocation d’un budget propre pour leur bon fonctionnement, ce qui donnera un sens au principe de la libre administration des collectivités locales. L’ancienne méthode de transfert, de compétences qui s’identifiaient à la clause générale des compétences, était insuffisante. En effet, la clause générale de compétence est atténuée par le respect et la protection de l’initiative privée. L’interventionnisme des collectivités locales au Sénégal en matière économique et sociale n’est qu’exceptionnel dans ce sens qu’elles ne peuvent traiter des affaires relevant de l’initiative privée qu’en cas de carence et seulement lorsque l’intérêt public l’exige. En outre, la prolifération des collectivités territoriales de taille différente empêchait de définir la compétence de chacune d’elle par la seule référence à la clause générale de compétence sous peine d’aboutir à des chevauchements. Rappelons aussi que l’action des élus locaux est contrôlée par le représentant de l’Etat territorialement compétent.
La constitution du Sénégal consacre le principe de la libre administration des collectivités locales, en son article 102. Ce principe implique les notions de personnalité juridique et d’autonomie administrative des collectivités territoriales. Mais comme le souligne P. LALUMIERE, « pour être pleinement efficace, la décentralisation exige la reconnaissance d’une large autonomie financière aux collectivités territoriales. L’attribution de la personnalité juridique et des compétences qui en découlent devient une pure fiction si des moyens financiers ne sont pas mis à la libre disposition de ces collectivités »1. Pourrait-on parler de viabilité et de compétitivité des collectivités territoriales Sénégalaises si leur autonomie financière est remise en cause ?
L’autonomie financière est tributaire du système économique, politique et juridique dans lequel elle se développe. Certains diront que ce principe de libre administration n’est que chimère spéculation, en raison de son ineffectivité. En
1 P. Lalumière, Les Finances publiques, éd. A. Colin, Paris, 1976, p. 153
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effet, un diagnostic de l’autonomie financière des collectivités territoriales Sénégalaises permet d’identifier des failles, et incite à analyser la nature des relations qu’entretiennent l’Etat et les collectivités infra- étatiques depuis le début du processus de démocratisation.
Au Sénégal, l’histoire de la décentralisation remonte à 1872 avec l’érection en commune de plein exercice des villes de Gorée et de Saint louis. Le processus de décentralisation s’est poursuivi avec la création de la commune de Rufisque en 1880 et celle de Dakar en 1887. D’autres communes seront créées plutard avec un décret de 1957 qui attribue au chef de territoire la prérogative de créer des communautés rurales dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière. Cependant, le processus s’est accéléré au lendemain des indépendances avec l’engagement du gouvernement à une réforme administrative et territoriale de plus en plus adaptée.
Aussitôt après son accès à la souveraineté internationale, le Sénégal a opté pour une politique de décentralisation prudente, progressive et irréversible. Une option qui sera confirmée au cours des différentes phases qui vont marquer cette politique. En effet, en 1966, un code de l’administration communale est adopté et les communes de plein exercice sont au nombre de 30. La réforme majeure de 1972 pose l’acte précurseur de libertés locales plus affirmées, avec la création des communautés rurales, la promotion de la déconcentration et la régionalisation du plan. Elle crée des communes à régime spécial à côté des communautés rurales. Ces dernières étaient dirigées par un conseil rural élu avec un président. Le sous-préfet de la localité fut le chef de l’exécutif de la communauté rurale qui proposait le budget annuel au conseil rural, l’exécutait et procédait à un contrôle a priori de toutes les délibérations du conseil. L’acte I de la décentralisation est donc posé par les lois n° 72-02 du 1er février 1972 portant réforme de l’administration territoriale et n° 72-25 du 25 Avril 1972 créant la communauté rurale. Ensuite intervient la réforme de 1990 qui généralise les communes de plein exercice et le pouvoir a été transféré des préfets vers les présidents de conseil rural. Enfin en 1996, le nouveau code des collectivités locales considère comme collectivités territoriales : la région, la commune et la communauté rurale. Il assure ainsi une collaboration entre communes et communautés rurales et la création de communes d’arrondissement à l’intérieur des communes. En 1999, une deuxième chambre parlementaire, le Sénat, sera créée pour assurer la représentation nationale de ces collectivités locales. Mais
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cette institution a été perçue à plus d’un titre comme une sinécure politique. Elle n’a pas survécu aux remous de l’alternance politique d’alors.
Ainsi, le processus de la décentralisation au Sénégal peut être scindé en trois étapes : d’abord de 1960 à 1990, les premiers jalons de la décentralisation ont été posés avec une première phase caractérisée par la création progressive du cadre institutionnel des collectivités locales. Ensuite, il y’a la période de 1990 à 1996 consacrée à la consolidation de cette première réforme post indépendance, avec l’augmentation du nombre de communes et de communautés rurales et la responsabilisation des maires des communes chefs-lieux de régions et des présidents de conseil rural dans la gestion de leurs collectivités locales. L’année 1996 consacre l’acte II de la décentralisation. Et enfin, la dernière reforme 2013 avec l’acte 3 de la décentralisation qui fait l’objet de notre analyse.
Cette dernière est marquée par une accélération de la politique de développement économique et social à travers le transfert d’importantes compétences aux collectivités locales, l’institution du contrôle de légalité à la place de la tutelle, l’érection des régions en collectivités locales, la création de nouvelles communes (43 communes d’arrondissements) dans les villes de la région de Dakar, l’institution du comité économique et social régional et de l’agence régionale de développement comme outil de conseil et d’appui technique.
Il faut reconnaitre que, comme le souligne Philippe AYDALOT, la variable territoriale commence à s’imposer comme le nouveau paradigme du développement2. L’acte 3 de la décentralisation reste consolidé par l’adoption de la loi n° 2013-10 portant Code Général des Collectivités Territoriale qui a fusionné les textes précédents. Il relève de la volonté de l’Etat, sous la seconde alternance, qui entend imprimer sa marque à la gouvernance du pays à travers une nouvelle réforme territoriale et institutionnelle. L’objectif de cette réforme est de renforcer la décentralisation et la territorialisation des politiques publiques, afin d’impulser le développement des terroirs, construire une cohérence territoriale et assurer la lisibilité des échelles de gouvernance territoriale sur la base d’une clarification des relations entre les acteurs. Il s’agit aussi de bien définir les compétences à transférer aux ressources nécessaires pour une administration territoriale efficace. Elle constitue donc une étape primordiale pour analyser et capitaliser les enseignements retenus des
2 Camagni et Maillat, 2006 ; Tabariés, 2005 ; Peyrache, 1999
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précédentes réformes. En effet, des insuffisances institutionnelles et normatives sont à l’origine des échecs notés dans l’objectif de développement économique prévu dans les politiques de décentralisation. La logique administrative était plus consacrée aux aspects institutionnels au détriment de ceux économiques. En plus il y’avait une absence de spécialisation des compétences transférées en fonction de la vocation de territoire. Certains considèrent même que l’Etat n’a fait que transférer les secteurs à problèmes aux collectivités territoriales.
Le but poursuivi par l’acte 3 de la décentralisation est la création de territoires viables, compétitifs et porteurs de développement durable à l’horizon 2022. Il s’agit de palier aux carences et dysfonctionnements qui handicapent le bon fonctionnement des collectivités locales, ce qui a été très souvent source de conflits entre les collectivités territoriales, et entre celles-ci et l’État.
Arrivée à l’échéance, la question que l’on se poser est : Quel bilan tirer à mi- chemin? Un diagnostic situationnel pourrait permettre de comprendre les entraves au développement économique local (1) afin de pouvoir proposer des perspectives de développement (2).
1. DIANIOSTIC SITUATIONNEL DU DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL:
La réforme de 2013 portant acte 3 de la décentralisation était muni de la volonté de corriger les inégalités et incohérences territoriales qui sévissait depuis les indépendances. Elle prône ainsi l’homogénéisation des échelons territoriaux à travers la communalisation intégrale et la départementalisation avec la suppression des régions, et la création de nouveaux pôles de développement. La décentralisation augmente certes le niveau et la qualité des services publics et conduit à une utilisation plus efficace des rares ressources. Mais la mise en œuvre des politiques de décentralisation est entravée par la faiblesse des ressources humaines et financières, le manque de viabilité et de valorisation des potentialités de développement des territoires, la faiblesse des politiques d’aménagement des territoires, le déficit d’une bonne gouvernance locale accentuée par une multiplicité d’acteurs avec des logiques et des préoccupations parfois différentes, le manque de valorisation de l’expertise locale, l’incohérence et l’inefficience des mécanismes de financement du développement local, les faiblesses objectives du cadre institutionnel et fonctionnel de la décentralisation
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et la faiblesse de la coproduction des acteurs du développement territorial qui induit fortement l’inefficacité des interventions.
Ne pourrait-on pas soutenir que l’acte 3 de la décentralisation a été soldé d’échecs? Pour répondre à cette question, il importe de procéder à une évaluation des objectifs globales (1.a) et spécifiques (1.b).
1. a. ECHEC DES OBJECTIFS GLOBALES DE L’ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION:
A travers cette refondation majeure de l’action territoriale (communalisation intégrale, départementalisation), la volonté de l’Etat était d’organiser le Sénégal en territoires viable, compétitif et porteur de développement durable à l’horizon 2022. Mais de quels territoires s’agit-il ? Comment mesurer la viabilité et la compétitivité d’un territoire ? Où en est le développement durable ?
L’objectif était certes louable mais a été trahi par la non application de la législation. La loi n° 2013-10 du 28 décembre 2013 a joué un rôle important dans le cadre du développement local, mais la précarité est toujours d’actualité au Sénégal accompagnée de fortes disparités socio-territoriales. En effet, les politiques de décentralisation et de développement local ont toujours eu un faible impact sur le bien-être des populations. La plupart de ces politiques sont orientées dans le domaine social pour lutter contre la pauvreté, ce qui est certes important, mais reste peu favorable à une économie solide et durable. Le développement local doit être sous-tendu par des projets d’investissement solides et quantifiables, susceptibles de garantir la création de richesse et la revitalisation territoriale. C’est ainsi qu’on pourrait parler de territoire viable et compétitif.
Un territoire ne saurait être viable, encore moins compétitif si aucune politique de rétention n’est faite à l’endroit de sa population. Il s’agit de créer les conditions économiques telles que l’accès aux financements, à la terre, la promotion de la formation sur les métiers en rapport avec le potentiel local, etc… Le constat d’un déséquilibre spatial et infrastructurel pourrait expliquer les disparités socio-économiques avec une macrocéphalie urbaine autour des grandes villes. Si le vent du développent commence à souffler au niveau de Dakar et ses artères, ce n’est pas le cas dans le monde rural qui devait être la cible principale. Nous avons toujours un monde rural qui devient de plus en
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plus enclavé avec des difficultés d’accès à l’eau potable et à l’électricité. A ce moment, on parle d’accélération de la transformation du numérique au Sénégal alors que le réseau est instable voire quasi absent dans plusieurs localités du pays. En raison de la croissance démographique rapide, les populations rurales ont besoins d’infrastructures socio-économiques de base pour leur bien-être et leur productivité.
1. b. DYSFONCTIONNEMENT PAR RAPPORT AUX OBJECTIFS SPECIFIQUES DE L’ACTE 3 DE LA DECENTRALISATION
Les objectifs spécifiques de l’acte 3 de la décentralisation étaient relatifs à la construction d’une cohérence territoriale à travers une réorganisation de l’espace et l’émergence de pôle de développement. Mais le constat en est que cette dernière réforme à fini par montrer les dysfonctionnements de la décentralisation. En effet, avec la communalisation intégrale, beaucoup de communautés rurales deviennent directement des communes sans pour autant être préparé sur les tenants et les aboutissants de ce nouveau statut. On voit ainsi des communes avec une faible assiette foncière tandis que d’autres en ont suffisamment et un enchevêtrement des espaces. Ainsi on assiste à une prolifération des querelles autours du foncier découlant du non-respect des principes d’inaliénabilité du domaine national, la mauvaise administration de la ressource foncière et le manque de volonté de l’Etat pour réformer le secteur. Une grande partie des collectivités ne maitrisent pas leurs limites territoriales, ce qui est à l’origine des empiétements ou des lotissements illégaux. La plupart des litiges fonciers qui surviennent porte sur la divagation des animaux et oppose éleveur et agriculteur. A cela s’ajoute l’absence d’une valorisation voire même la faible utilisation des TIC dans l’administration territoriale décentralisée. Ces nouvelles technologies d’information et de communication assurent un service de qualité et est un vecteur de compétitivité. Elles sont même porteur de création d’emploi et source d’attraction touristique, ce qui pourrait impacter positivement sur le développement économique et la compétitivité des territoires.
En outre, il n’existe pas une déconcentration de la chaine fiscale avec l’absence de solidarité financière entre les collectivités territoriales. Les sources de revenus de ces dernières sont instables avec une implication très limitée de leur part dans l’administration fiscale. Les redevances constituent une source de revenue importante mais le contrôle du gouvernement y a un impact négatif.
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La compétitivité des territoires est ainsi remis en cause dans ce sens que les ressources publics ne sont pas suffisantes. Les collectivités ne bénéficient pas de budget participatif. L’Etat, qui n’accorde que le fond de dotation dont la répartition est « douteuse », devrait déployer d’importants moyens en ce qui concerne les politiques micro-économiques, la crédibilité financière des collectivités. La crédibilité permet aux collectivités territoriales d’acquérir un système de financement viable pour les infrastructures et les services socio- économiques de base. L’Etat devrait donc améliorer les mécanismes de financement territorial et de gouvernance budgétaire pour un véritable développement économique et social tout en encadrant l’emprunt. La réforme sur la péréquation financière avec la CELVA est amorcée, par les politiques, comme pour réduire les moyens de la ville de Dakar
En outre, le renforcement du processus de décentralisation doit être pris en compte dans l’optique de rapprocher les collectivités territoriales des marchés financiers et de revaloriser la fiscalité locale. Cette dernière souffre de déficience et est étroite avec une mauvaise évaluation de l’assiette. Le caractère obsolète de la législation et des impositions locales, l’absence d’une décentralisation de la chaîne fiscale, d’une fiscalité au niveau des régions ne sont pas favorable au développement économique local aspiré.
Ainsi, après constat d’un déficit de maitrise et de management, mais aussi un faible engagement politique, l’urgence est de proposer des solutions adéquates afin de corriger ce dysfonctionnement dans la mise en œuvre de l’acte 3 de la décentralisation.
2. DEFIS ET PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT LOCAL AU SENEGAL
La décentralisation des responsabilités augmente le niveau et la qualité des services publics et conduit à une utilisation plus efficace des rares ressources. Mais rappelons que le Sénégal est un pays à dominance rural, eu égard à ses caractéristiques géographiques, humaines socioéconomiques et culturelles. Avec l’avènement de la loi 64-46 du 17 juin 1964 relative au domaine, la zone des terroirs est d’une importance primordial par ce qu’abritant les activités agricoles et d’élevage socle de tout développement. Mais il ne faut pas confondre les notions terroir et de territoire. Le territoire est une notion purement physique
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alors que le terroir a une connotation psychologique, humaine et affective, d’où l’importance d’une gestion inclusive des collectivités territoriales. Aujourd’hui la participation est considérée comme le principal critère de la qualité des interventions des partenaires au développement. Dans le cadre du développement local, la participation consiste en la mobilisation libre et éclairée d’intervenants extérieurs autour d’actions communes. Ils doivent participer à la conception et à la réalisation des stratégies locales initiées et entreprises par les acteurs locaux pour le développement de leur localité. Selon Jacques Mercoiret, « la décentralisation ne résulte pas d’une dynamique spontanée, génératrice de développement local et de démocratie participative. C’est même la relation inverse qui semble la plus porteuse : le développement local et la démocratie participative comme préalables et leviers à une décentralisation réussie ».3 Les acteurs engagés doivent être munis d’un commun vouloir de porter le développement de l’espace collectif auquel ils s’identifient. Ce que l’on constate ces dernières années est tout à fait le contraire. En effet, il se développe au Sénégal un discours qui relèvent de l’ethnocentrisme et venant de nos autorités qui doivent se constituer en garant de la pérennisation de la cohésion social. A cela s’ajoute, les contraintes liées à l’accès au financement et à un faible taux de recouvrement des impôts locaux.
Le développement rural demeure ainsi une préoccupation centrale des pouvoirs publics. Ce développement doit impérativement impliquer une réforme de la fiscalité locale. Il ne peut y’avoir de territoire viable et compétitif sans la mise en place d’un système fiscale efficace et accessible. Selon le professeur Abdoulaye DIEYE, « l’autonomie financière, n’est pas réelle dans la mesure où les collectivités locales ne disposent pas d’une souveraineté normative dans le domaine de la gestion financière ». L’autonomie financière des collectivités territoriales s’appréhende comme le fait pour ces dernières de bénéficier « de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi »4.
Le régime des impositions locales est fixé par le législateur qui détermine l’assiette de ces contributions, définit les taux et leur mode de recouvrement. Les collectivités locales ne peuvent ainsi créer, modifier ou supprimer un impôt local. L’établissement de l’assiette et la fixation des taux de la fiscalité locale
3 Mercoiret 2003 : 21
4 I. BOUHADANA, G. WILLIAM. « L’autonomie du pouvoir dépensier des collectivités territoriales : quelles contraintes pour quelle optimisation ? » In Droit et gestion des collectivités territoriales. Tome 31, 2011. L’enjeu de la dépense locale. pp. 75-85;
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relèvent de la compétence de la Direction Générale des Impôts et du Domaine (DGID), et Direction du Trésor en assure le recouvrement. Si les collectivités locales peuvent disposer d’un pouvoir budgétaire, elles ne disposent pas a priori d’un pouvoir fiscal. La doctrine semble être unanime sur la question. Ainsi, il importe ainsi de relever le défis de réformer la fiscalité locale (2.a) et de la promotion de la valorisation des ressources foncières et autres ressources naturelles.
Le renforcement des recettes de la fiscalité locale (2a) accompagné d’une redynamisation de la gestion du foncier et des autres ressources locales (2b) sont porteur d’un développement économique local durable.
2.a. LE DEFIS DE RENFORCEMENT DES RECETTES FISCALES LOCALES
La question relative à la réforme de la fiscalité locale au Sénégal est aussi politiquement sensible que techniquement complexe. L’assujettissement des citoyens à des contributions obligatoires est inhérent à la société : « Nul citoyen n’est dispensé de l’honorable obligation de contribuer aux charges publiques », affirmait l’article 101 de la Constitution française de 1793. Mais il incombe à l’Etat de financer le développement locale en activant les commissions de fiscalité locale et assurer des mécanismes de collaboration des acteurs de développement (concession de l’eau, téléphone, électricité) aux collectivités territoriales.
La réforme de la fiscalité locales reste une priorité afin d’échapper à l’étau des précarités économiques et sociales. L’écrasante majorité des collectivités territoriales fonctionnent grâce aux fonds de concours, de dotations et autres ressources des partenaires externes. Les recettes créées au niveau local sont incapables de satisfaire le bon fonctionnement des affaires de la cité et répondre aux attentes des populations. « Les collectivités locales sont confrontées à une situation de sous-financement chronique qui handicape sérieusement les moyens qu’elles mettent en place en vue d’offrir des services de base à leurs citoyens »5. Les élus locaux éprouvent de grandes difficultés à financer leurs objectifs dans ce sens les stratégies de mobilisation financière sont balbutiantes et le soutien financier de l’État peu suffisant.
5 Cellule d’Appui aux Elus Locaux, Plan stratégique 2003-2007, Dakar, décembre 2002.
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La fiscalité locale est un instrument de mesure de la décentralisation parce que permettant de tester l’étendue du pouvoir de décision accordée aux collectivités décentralisées, en vertu du principe de la libre administration. Mais lors des grands débats sur la décentralisation, tel que celui de Dakar- Bordeaux- Saint- Louis, la dialectique pouvoir réglementaire et fiscalité locale ont été minorisée dans la réflexion6. De ce fait, les autorités locales ne dispose disposent d’aucune liberté par rapport à la définition de l’assiette, du taux et des modes de recouvrement des impôts et taxes locaux. C’est peut-être pour cette raison que le professeur Abdoulaye DIEYE nie l’existence d’une « fiscalité locale »7. Les ressources fiscales locales sont très négligées, ce qui ne devait pas être le cas. Le taux de recouvrement des impôts de capitation (IMF, TRIMF) ne prend pas en considération l’augmentation des charges et des responsabilités locales. A cela s’ajoute la faible rentabilité de la taxe rurale qui est la principale ressource des communautés rurales. Par rapport à l’imposition sur le foncier, il reste opportun de réviser les bases cadastrales afin de prendre en compte la hausse de la valeur foncière.
Selon une étude de l’Observatoire des Finances locales du Partenariat pour le Développement Municipal, les collectivités territoriales Sénégalaise sont moins dépendantes de l’Etat pour financer leur développement, contrairement à celles des pays occidentaux. C’est dans ce sillage que l’Etat doit promouvoir la modernisation de la fiscalité locale et de son cadre normatif.
2.b. PERSPECTIVES DE REDYNAMISATION DE LA GESTION DU FONCIER ET DES AUTRES RESSOURCES LOCALES
Au Sénégal, les ressources locales sont faiblement exploitées. L’Etat opte pour une réorganisation équilibrée et rationnelle de l’espace national et de l’optimisation des ressources de ses territoires. Pour cela, il importe de placer l’aménagement du territoire au cœur des politiques publiques en vue de jeter les bases d’un développement économique et social efficient et durable. Pour ce faire, il s’agit de mettre en place un aménagement du territoire structurant pour un développement harmonieux des territoires. Mais cela ne serait possible qu’en
6 Professeur Babacar KANTE « contribution » à : La régionalisation : approche sénégalaise et expérience française, op. cit., p.366.
7 A. Dièye : « La décentralisation au Sénégal d’hier à aujourd’hui : cadre légal et contrainte pour un développement local », op.cit., p. 189.
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corrigeant les déséquilibres territoriaux à travers une planification judicieuse des activités économiques, la mise en cohérence des réseaux d’infrastructures et d’investissements.
Cette correction implique aussi une meilleure prise en compte de la gestion des ressources foncières. Une gouvernance foncière transparente doit avoir comme soubassement un dialogue multi-acteurs. Cependant il urge de promouvoir des dispositifs de sécurisation foncière conforme à la diversité des droits et des sources de légitimité. C’est une recherche d’équilibre entre ces politiques et les droits évolutifs et pratiques historiques. Le défi du Sénégal est celui de son arrimage à la mondialisation8. Les pays du continent Africain sont aperçus tel un réservoir de matières premières, de ressources naturelles et de main d’œuvre bon marché. Le foncier représentant alors un levier économique très important, constitue parallèlement une grande problématique en raison de la multiplicité des textes juridiques qui le régissent. Par conséquent, le défi à l’heure actuelle, est d’organiser rationnellement la gestion du foncier, son utilisation et sa commercialisation.
Pour résoudre le disfonctionnement dans la gestion du foncier, il faut mettre en place des agences foncières locales qui doivent accompagner le monde rural pour la maitrise du foncier. Il s’agit de mettre l’accent sur la maitrise de la gestion foncière et conséquemment la maitrise de l’information foncière, des procédures y afférentes et la formation des acteurs. En effet, la bonne maitrise des assiettes foncières est un préalable à la bonne administration des terres. Un cadastre rural est ainsi nécessaire pour veiller aux opérations sur le sol. D’un point de vue fonctionnel, le cadastre est un ensemble d’activités et d’opérations administratives et techniques y compris un support dématérialisé, des documents graphiques, un registre et des documents portants sur la situation foncière. C’est donc le bras technique de l’État en matière de gestion foncière et également le support incontournable des collectivités territoriales.
BIBLIOGRAPHIE :
8 Léopold Sédar Senghor ou l’émancipation de la pensée, Agnès BIKOKO, rédacteur du CSFEF pour le portail Médiaterre au Cameroun, Paul OMBIONO, Éditions CLE, 1971.
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A. Dièye : « La décentralisation au Sénégal d’hier à aujourd’hui : cadre légal et contrainte pour un développement local »,
Bockel, Alain, 1985, « La démocratie en Afrique ou l’importance de la démocratie locale », in Mélanges à Pierre-François Gonidec, L’État africain Horizon 2000, Paris : LGDJ.
Dissou, Machioudi, 1992, L’accès à la terre et à l’eau en milieu rural : le contexte juridique en vigueur au Bénin, séminaire de Kénitra, juin.
D.Sy : « Normativité et juridicité », op.cit.
Diouf, Souleymane 2000, Le crédit, une arme à double tranchant pour les paysans, interview réalisée par Christine Jallais, Grain de sel N° 16, novembre 2000
ENDA-Graf Sahel, 1999, Pauvreté, décentralisation et changement social. Éléments pour la reconstruction d’une société politique, Dakar : Enda, septembre. Enseignements et apports de l’étude pilote sur les Politiques, Institutions et Processus dans le cadre de la lutte contre la pauvreté des communautés de pêche au Sénégal, Bulletin N° 10 du PMEDP, 2003. Etounga-Manguelle, Daniel, 1991, L’Afrique a-t-elle besoin d’un programme d’ajustement culturel ?, Paris : Éditions Nouvelles du Sud : 2
Gagon, Gérard, 2002, Le financement du développement local, un état des lieux en Afrique de l’Ouest, Cotonou, PDM/Club du Sahel.
I.BOUHADANA, G. WILLIAM. « L’autonomie du pouvoir dépensier des collectivités territoriales : quelles contraintes pour quelle optimisation ? » In Droit et gestion des collectivités territoriales. Tome 31, 2011. L’enjeu de la dépense locale.
J. P- Duprat : « La formation et l’évolution du droit financier en Afrique francophone subsaharienne », op. cit. , p.453
L. Philip : « Les garanties constitutionnelles du pouvoir financier local », op.cit., pp.455- 456
P. La lumière, Les Finances publiques, A. Colin, 1976.
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